Taille 27 : Acte I

Dimanche dernier, j'ai oublié les chaussures de mon fils.

Je m'en suis rendue compte à 18h39, alors que nous avions déjà quittés la maison de mes parents depuis au moins 10 bonnes minutes.

La journée avait été belle, à commencer par le réveil tranquille propre aux dimanches matins.

Les vélos et le pique-nique chargés dans la voiture, nous nous mettions en route pour une excursion familiale et ensoleillée quoique légèrement venteuse.

Quelques heures plus tard, Monsieur Fripouille soufflait ses trois bougies en compagnie de son cousin qui en éteignait cinq,

et déballait ses cadeaux entouré de sa famille :

l'épée et le bouclier fabriqués par Papinou,

la sacoche cousue par Nanny qui contenait les cartes aux trésors ainsi que les deux lampes de poche, accessoires indispensables à la recherche de dragons,

et enfin, le déguisement complet du viking.

Déguisement homemade à partir de la tenue d'Harold, héros du génial dessin animé Dragons, patron honteusement pompé sur la pochette du DVD même que les dessins ils pourraient les faire plus gros les graphistes, non mais sans blague. Je suis tout de même relativement contente de moi, pas de vrai patron à suivre, juste des bidouillages qui, ma foi, donnent un résultat plutôt acceptable, fin de la parenthèse.

A côté de Monsieur Fripouille, son cousin, une autre fripouille du genre découvrait son costume de pirate :

Déguisement de pirate encore (!) homemade, tee-shirt patron Donald de Citronille, gilet à partir du gilet de berger des IPE, pantalon à partir d'un patron japonais, épées et tête de mort esquissées par votre servante.

Bref, aussitôt déballés, aussitôt enfilés, les chaussures de ville de Monsieur Fripouille, troquées contre d'élégantes bottes fourrées (merci Eurodif !), ayant trouvé refuge sous une chaise du salon.

Après quelques passes d'armes et découpage en règle des couronnes des rois, l'heure était arrivée, il fallait s'en retourner, les bras chargés de présents.

Re-chargement, re-tour en voiture pour re-gagner notre domicile à une heure de route de là.

C'est à ce moment précis que survint le drame : 18h39 et je réalise que l'apprenti chasseur de dragons toujours chaussé de ses bottes se retrouve sans souliers, ceux-ci étant restés bien au chaud sous LA chaise.

Il faut annoncer la nouvelle au conducteur : la voix est mal assurée, le geste peu précis...

"Je crois que j'ai oublié les chaussures de Monsieur Fripouille..."

"QUOI ?!!!..."

"Je crois que j'ai oublié les chaussures de Monsieur Fripouille, il ne peut pas se balader toute la semaine dans ses baskes en peau, il faut faire demi-tour..."

Après vérification téléphonique, les souliers étant bien là où je supposais qu'ils fussent, il faut se rendre à l'évidence : la mort dans l'âme, au premier rond-point nous revenons sur nos pas.

Les excuses fusent ("zut, mince, pardon, je suis désolée, je vous fais mes plus plates excuses, je suis navrée, déconfite,...") mais le mal est fait, de précieuses minutes ont été gâchées ; dans le timing du dimanche soir, tout doit être parfait, réglé comme du papier à musique.

Pendant ce temps, Mumford & Sons continue de chanter et alors que j'écoute d'une oreille distraite leurs magnifiques mélodies (oui, parce que même en temps de crise -et grâce à mon beau-frère notamment- on écoute quand même de la bonne musique), je saisis deux mots au vol : "patient smile". Ah oui, j'en voudrais bien un de "patient smile" moi.

Enfin, je récupère les chaussures, je me sens un peu moins mal mais j'attends toujours un "patient smile". J'ai finalement droit à une caresse sur la joue, ce qui me va aussi.

Décidément, une taille 27, ça n'a l'air de rien comme ça mais ça peut faire beaucoup.

°°°

(Et si je vous dis, qu'après 15 minutes de route, mon frère m'appelle pour me signaler avec amabilité que j'ai emporté par erreur le manteau de son fils ?... Bon comme il est gentil, il me dit qu'il n'y a pas mort d'homme. Je suis sûre qu'à l'autre bout du fil il doit avoir ce drôle de sourire, vous savez, un genre de sourire patient...)